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Déclaration des Évêques sur l’Education Chrétienne et l’École Catholique au Burkina Faso    (25 novembre 1996).
I- L’ẺGLISE ET L’ẺDUCATION
De tout temps, l’Église, qui ne peut, ni ne veut rester indifférente à tout ce qui touche la vie des hommes, a toujours considéré le problème de l’éducation comme un problème extrêmement important, et pour l’homme lui-même et pour la Société dont il est membre.
L’Éducation est un droit inaliénable reconnu à tout homme en tant que personne humaine. C’est par une éducation véritable que l’homme, en effet, est « formé dans la perspective de sa fin la plus haute, comme dans la perspective du bien des groupes dont il est membre et au service desquels s’exercera son activité d’adulte » (GEM n°1).
L’Église, dont « la mission, reçue du Christ qui l’a fondée, est d’annoncer à tous les hommes les mystères du salut, et de tout édifier dans le Christ « (GEM préambule). L’Église a conscience du rôle qu’elle doit jouer dans le progrès et le développement de l’éducation en général, et de l’éducation chrétienne en particulier. Celle-ci vise, « non seulement à assurer la maturité de la personne humaine, mais principalement à ce que le baptisé, introduit pas à pas dans le mystère du salut, devienne chaque jour plus conscient de ce don de la foi qu’il a reçu », et apprenne à vivre en enfant de Dieu. Et, devenu ainsi « conscient de sa vocation, qu’il puisse contribuer à la croissance du Corps du Christ et à la transformation chrétienne du monde » (GEM n°2).
L’Église se sent également responsable de l’éducation des hommes, à côté des parents et de la société civile. « Elle est tenue, comme Mère, d’assurer à ses enfants l’éducation qui inspirera toute leur vie de l’esprit du Christ ». Ce faisant, « elle collabore à la promotion de la personne humaine dans sa perfection, à la réalisation du bien de la société et à la construction d’un monde toujours plus humain » (GEM n°3).
II- L’ÉCOLE CATHOLIQUE DANS LA TRADITION DE L’ẺGLISE
 
Pour accomplir sa mission éducative, tant humaine que chrétienne, l’Eglise a toujours eu recours à tous les moyens appropriés. En plus de la formation catéchétique, qui lui est propre et demeure indispensable pour tout baptisé, jeune et adulte, l’Église utilise aussi « les autres moyens éducatifs appartenant au patrimoine commun de l’humanité, en les pénétrant de son esprit ». Parmi eux, il y a surtout les écoles. (n°4).
L’importance de cette institution de l’école n’échappe à personne. Non seulement « elle est le lieu de développement de l’homme en tant que personne humaine et membre de la société, mais elle constitue un centre de rencontre pour tous les agents de l’éducation qui partagent les responsabilités de son fonctionnement et de son progrès : parents, enseignants, mouvements, société civile et communauté humaine. Tous contribuent au développement de la vie culturelle, civique et religieuse » (n°5).
A cause de cette importance de l’école, l’Église a toujours tenu à marquer sa présence au domaine scolaire par la création de l’école catholique.
« Elle se reconnaît le droit de fonder et de diriger des école de tous ordres et de tous degrés qui lui sont propres ». Ces écoles, « tout en poursuivant, comme les autres écoles, des fin culturelles et la formation humaine des jeunes, créent pour la communauté scolaire une atmosphère animée d’un esprit évangélique de liberté et de charité », qui aide les élèves à croître dans la foi, « une foi qui illumine les connaissances qu’ils reçoivent du monde, de la vie et de l’homme par l’enseignement » (n°8). Ces traits sont propres à l’école catholique.
 
III-L’ÉCOLE CATHOLIQUE DANS NOTRE PAYS
Cette importance de l’école n’a pas échappé aux Missionnaires venus annoncer la Bonne Nouvelle dans notre pays. L’école leur a paru, non seulement comme un milieu favorable pour l’éducation humaine et chrétienne des enfants baptisés, mais aussi comme un milieu privilégié d’évangélisation. Aussi n’ont-ils pas hésité à ouvrir des écoles partout où s’installaient des postes de mission, et partout où cela était possible. Les écoles primaires et les dispensaires ont été pour l’Église, au début de l’évangélisation, les signes de sa présence et le témoignage de sa charité.
Aussi, depuis la première école ouverte en 1901 à Ouagadougou, les Missionnaires n’ont-ils pas cessé de développer l’école catholique, devançant en beaucoup d’endroits le pouvoir colonial et, plus tard, l’État Voltaïque. En plus des écoles primaires, d’autres centres de formation ont vu le jour, notamment pour les élèves catéchistes et pour les jeunes filles. Ensuite, mus par le désir de préparer des prêtres africains pour l’Église locale, ils ont ouvert, en 1925, le premier établissement secondaire du pays «  le Petit Séminaire de Pabré ». Avec l’aide des congrégations religieuses, de nombreux établissements secondaires furent créés par la suite.
Nul n’ignore les bienfaits de cet effort éducatif mené par l’Église et pour notre pays. En plus de la formation chrétienne solide, soulignons la contribution à la création d’une élite préparée à assumer, dès qu’il le fallut, les responsabilités politiques, économiques et religieuses. De plus, par l’école, l’Église a engagé la lutte pour la libération et la promotion de la jeune fille et de la femme africaine. D’autres bienfaits pourraient être encore cités.
Néanmoins, il faut reconnaître que cet effort n’a pas toujours produit tous les effets escomptés. Ces limites, nous les devons à la timidité de l’engagement, parfois aussi à l’insuffisance des moyens, notamment financiers. Cela a pu susciter des tensions et des malentendus entre l’Église et l’État jusqu’à la cession des écoles primaires catholiques à l’État en 1969.
IV- Nouvelle option pour l’École Catholique
1- option  pour  l’Ecole Catholique :
Si nous avons tenu à rappeler ce qui précède, à savoir l’importance de l’éducation et celle de l’école catholique pour l’éducation humaine et chrétienne, c’est que nous jugeons que le temps est venu pour l’Eglise au Burkina Faso de renouveler son option pour l’éducation chrétienne, et pour l’école catholique en particulier, dans la perspective de la célébration prochaine du centenaire de l’évangélisation de notre pays, et dans le cadre de notre choix pastoral de construire une Église-Famille chez nous.
Le but ultime visé de l’Église n’étant autre que le bien de l’homme et celui de la société, nous voulons le réaliser en recherchant en même temps, par l’éducation chrétienne et l’école catholique notamment, l’évangélisation, la promotion humaine par le développement, l’éducation des enfants et des jeunes, la promotion de la femme et l’engagement des chrétiens pour transformer, par le ferment de l’Evangile, leur milieu.
Pour nous, une école n’est dite catholique qui si elle est dirigée par l’autorité ecclésiastique compétente ou une personne juridique ecclésiastique publique ou que l’autorité ecclésiastique reconnaît comme telle par un document écrit. (Canon 803). On tiendra pour simplement « para-catholique » toute école qui, sans être, d’une manière ou d’une autre, sous la tutelle de l’Evêque diocésain, fondrait son système éducatif sur les valeurs évangéliques et la foi chrétienne, et, à cause de cela, reconnaîtrait une certaine dépendance, qui resterait à définir, par rapport à l’Église et à la hiérarchie.
Ainsi, l’école catholique ou para-catholique n’est pas seulement pour l’enseignement, mais pour l’éducation totale de l’homme. En cela, elle est et demeure un complément indispensable à l’œuvre poursuivie par l’Etat. Et c’est le droit et le devoir de l’Église Catholique de contribuer à l’édification d’une société de justice et de paix, par l’éducation humaine et chrétienne donnée dans l’école catholique.
2- Quelle école catholique demain ? (caractéristiques) :
Pour beaucoup qui ont connu le système de l’enseignement catholique d’avant 1969, il demeure un regret du fait que l’Église a cédé les écoles primaires à l’Etat. Ils en déduisent la dégradation actuelle de la moralité des jeunes et de la société, en raison de l’absence de l’éducation constatée aujourd’hui dans les écoles primaires et secondaires. Et de fait, on ne parle plus de « Ministère de l’Éducation », mais uniquement de « Ministère de l’enseignement », même si la nouvelle loi d’orientation de mai 1996 replace le mot «éducation » dans ses textes. À  ce regret, se joint l’ardent souhait de voir susciter à nouveau, l’école catholique comme autrefois avec l’espoir qu’une véritable éducation soit assurée  à notre enfance et à notre jeunesse. Ils n’ont pas tord. Ceux qui pensent ainsi rejoignent les Évêques, qui, en réaffirmant leur option pour l’école catholique, souhaitent créer de nouveau l’école catholique.
Cependant, il convient de préciser que les Évêques veulent que cette option soit une option commune à tous les fidèles chrétiens, engagés que nous sommes tous dans la construction de l’Eglise-Famille. Il ne s’agira plus d’écoles de la Mission, relevant comme autrefois uniquement de la seule hiérarchie (Évêques et Prêtres), mais il s’agira d’écoles relevant de la communauté chrétienne dans son ensemble ou de communautés chrétiennes particulières. C’est la communauté, désormais, qui devra pourvoir à leur création, à leur organisation et à leur gestion. C’est elle qui devra être, également responsable de leur fonctionnement.
Ce qui veut dire que, désormais, Évêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laïcs, nous devons chacun pour notre part aider à la réalisation « l’entreprise » de l’Enseignement Catholique à tous les niveaux… Il faudra donc innover, en imaginant les structures nouvelles ou rénovées, dans lesquelles seront engagés tous les partenaires de l’éducation : parents, familles, enseignants, pasteurs. Dans ce système, les parents et les enseignants catholiques joueront un rôle primordial pour le fonctionnement et le succès de l’école. Même travaillant dans le respect de la loi et dans la solidarité avec la société civile, l’Église devra définir de nouveaux rapports avec l’Etat et ses services de l’enseignement. Et s’il y avait nécessité, l’Église pourrait élargir son champ d’action en inventant de nouveaux domaines d’éducation. Mais il va s’en dire que les Ecoles catholiques s’ouvriront à tous les enfants et à tous les jeunes, sans distinction de religion, ethnie ou de catégorie sociale, pourvu seulement qu’ils acceptent et respectent le caractère propre de l’école catholique.
Que l’Esprit Saint assiste son Église, qu’il l’éclaire dans ses décisions, et lui donne la force de réaliser ce qu’elle aura décidé, pour la plus grande gloire de Dieu !
Ouagadougou, le 25 novembre 1996
 
 
Les Évêques du Burkina